Maciej Chiżyński, resmusica.com

Krzysztof Książek, né en 1992, a été considéré par la plupart des critiques comme le meilleur pianiste polonais du Concours Chopin en 2015.

Malgré des prestations remarquables, il ne s’est pas trouvé dans le groupe des finalistes du concours et, de ce fait, n’a pas eu la possibilité d’interpréter l’un des concertos du compositeur. Aujourd’hui, il signe un très bon disque avec le Concerto en mi mineur enregistré en studio.

Il est difficile de juger de nos jours quelle est la meilleure interprétation des Concertos de Chopin. Certains indiqueront celle d’Arthur Rubinstein. D’autres préfèreront celle enregistrée par Martha Argerich à celle gravée par . D’autres encore choisiront celle de  (qui a enregistré seulement le premier concerto, en concert) ou celle de Józef Hofmann (captation live des deux concertos). Pourtant à la lecture des chroniques écrites du vivant de Chopin, et décrivant sa propre manière de toucher le piano, on voit que son jeu était extrêmement délicat. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’appelait « poète » ou « ange », ou encore « sylphe » du piano. « Ne cherchez pas sous ses doigts [ceux de Chopin – nda] de ces grands effets qui vous étonnent, de ces tours de force qui ébranlent votre tête », écrivit en 1841 Léon Escudier, chroniquant pour la revue hebdomadaire La France musicale le récital de Chopin qui s’est tenu le 26 avril 1841 chez Pleyel. De ce point de vue, ce sont les interprétations de Lipatti et de Zimerman qui ont l’air d’être les plus proches de l’expression musicale du compositeur polonais.

La nouvelle prestation offerte par  semble très proche de cet idéal. Le jeune soliste émerveille par le naturel et l’élégance des phrasés, la richesse et la finesse des nuances, la délicatesse et la fraîcheur du toucher, par la subtilité des teintes, mais aussi par la splendeur des sonorités autant que par le brio dans les passages rapides, en refusant en tous points le jeu de virtuosité extérieure. De sorte qu’on a l’impression d’écouter le jeu angélique de Chopin lui-même, de participer à un de ses concerts, dont le témoignage ne nous a été laissé que sous forme de multiples chroniques, écrites entre autres par Franz Liszt, François-Joseph Fétis et Maurice Schlesinger. Dans le finale, Książek fait accentuer le rythme du krakowiak (danse polonaise rapide et syncopée à deux temps, utilisée par Chopin pour ce mouvement) comme personne avant. Sous ses doigts, l’expression de cette danse paraît à la fois si juvénile et si spontanée.

En ce qui concerne l’accompagnement, pas trop complexe par rapport à d’autres compositions du même genre, on notera que l’exposition est interprétée de façon vive, afin que le rythme soit bien marqué et que le flux de la narration puisse couler librement.

En complément du programme, on entendra la Symphonie n° 8 de Dvořák. , chef d’origine brésilienne qu’on observe attentivement depuis quelques années, est un musicien sûr de son art. Ici, à la tête d’un orchestre de jeunes, il nous propose une interprétation vigoureuse, pleine de ferveur, de chaleur et d’une forte puissance nostalgique. En conséquence, sa conception grandiose, par moments tendue, mais d’autres fois subtile comme une toile d’araignée, fait osciller cette œuvre de l’épique au lyrique, en la faisant résonner à la manière d’un vaste poème d’orchestre. Il est à noter que les instrumentistes ne sont pas aussi parfaits techniquement que les ensembles professionnels dont les prestations figurent aux catalogues des grands labels. Malgré ce petit défaut, le disque est recommandable à tous les mélomanes avertis.